samedi 23 juillet 2016

Programmé à rechercher le plaisir (1)

L’être humain est programmé à reproduire des comportements qui, dans son histoire ou dans celle de son espèce, ont procuré du plaisir en entretenant sa vie (homéostasie) et en la faisant évoluer.
Ce qui satisfait pleinement une pulsion intérieure génère du plaisir. La satisfaction correspond à la cessation du manque intérieur ayant généré la pulsion. Le plaisir est la preuve sensorielle que le manque a cessé et que le corps va bien. La douleur est évidemment l’inverse et concerne la préservation de l’intégrité du corps : en retirant par réflexe sa main d’une plaque chaude par action instinctive, nous sauvons notre main, sans y réfléchir consciemment. Ces deux notions ont présidé à la spécialisation de trois systèmes nerveux liés aux comportements : l’un est à la récompense (MFB), l’autre à la punition (PVS) et le dernier à l’inhibition (SIA).
Le cycle pulsion – action – satisfaction, géré par le MFB et la fuite ou la lutte efficace permettent à l’organisme de préserver son homéostasie dans l’action et composent à eux deux le système activateur de l’action (SAA)
Le plaisir est le moyen développé au cours de l’évolution de notre espèce, pour nous inciter à manger, à trouver un partenaire sexuel, à se protéger du froid, etc.

La récompense et la punition

Le S.A.A. s’oppose au système inhibiteur de l’action (SIA). Ce système s’enclenche en cas d’inefficacité de notre action, qui correspond à un profond sentiment d’impuissance soit« je ne peux pas interagir avec mon environnement, car ceci est « faux » pour Moi mais je ne parviens pas à agir donc je ne bouge plus, je me prostre, me replie ».
Le S.I.A. a été utile dans l’évolution et de manière très ponctuelle, dans les situations où toute action est susceptible d’empirer la situation. Lorsque l’humain perçoit que la lutte ou la fuite sont impossibles, il se contente de la soumission et l’acceptation, passive, et à contrecœur, afin de maintenir autant que faire se peut le statu quo.
Dans notre société moderne où la compétitivité est érigée au rang de dogme, de nombreuses personnes vivent dans l’appréhension de la « punition » : peur du chômage, peur de ne pas avoir la promotion, peur de ne pas pouvoir payer les factures à la fin du mois, peur de dire au chef de vente nos petits résultats, etc. Dans ce genre de cas, la personne n’a plus l’impression d’avoir de choix et sombre dans l’inhibition chronique. De nombreuses conséquences pathologiques sont à déplorer lors d’un surfonctionnement du SIA, par exemple : dépression, maladies psychosomatiques, ulcères d’estomac, hypertension artérielle. À noter également qu’étant donné que le SIA épuise le potentiel de lutte du système immunitaire, des pathologies plus graves peuvent se développer ultérieurement.

Deux systèmes se sont donc développés dans le cerveau pour traiter la récompense et la punition
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  1.  Le « medial forebrain bundle » (MFB) en anglais qui est le circuit de récompense
  2.  Le « periventricular system (PVS) », qui est le circuit de punition, qui active la fuite ou la lutte

Ces deux systèmes ont pour but de préserver l’homéostasie par l’action et forment ensemble le système activateur de l’action (SAA).



Centres de la récompense et du plaisir

Les principaux centres cérébraux de la récompense sont localisés le long du MFB (medial forebrain bundle, en anglais, le faisceau médian du cortex préfrontal en français). Le MFB est composé de plusieurs centres[i] qui participent tous à la réponse comportementale. Ces centres sont interconnectés et innervent l’hypothalamus, l’informant de la situation, plaisante en l’occurrence. L’hypothalamus réagit alors sur les fonctions végétatives (parasympathique dans ce cas) et endocriniennes par l’intermédiaire de l’hypophyse, libérant des hormones liées au plaisir.


Centres de la punition

L’action est aussi primordiale lorsqu’un danger nous menace. Nous avons alors deux solutions : la fuite ou la lutte.
Les stimulations déplaisantes et/ou douloureuses qui provoquent la fuite ou la lutte activent les centres de la punition ou PVS. Le PVS est formé de plusieurs centres dont l’hypothalamus, le thalamus et la substance grise centrale ainsi que l’amygdale et l’hippocampe. L’activation du PVS provoque l’activation du système nerveux sympathique et la libération dans l’organisme d’ACTH[ii] et d’adrénaline qui préparent rapidement le corps aux efforts exigés par la fuite ou la lutte
Le système de punition inhibe le système de récompense, ce qui explique que certains régimes politiques ont réussi au cours de l’Histoire à manipuler le peuple par la peur, surtout la peur de la punition. Ceci est également valable dans toute structure sociale : couple, famille, entreprise, etc.
Le MFB et le PVS forment les deux principaux systèmes de motivation de l’être humain. Ils ont pour but assouvir les trois pulsions instinctives, respirer, se nourrir, se reproduire, et d’éviter la douleur.


Centres d’inhibition

Le Pr Henri Laborit a mis en évidence un troisième circuit : le système d’inhibition de l’action (Behavioral Inhibitory System (BIS)). Il est associé au système septo-hippocampal, à l’amygdale et aux noyaux de la base. Ce système est, comme nous l’avons vu, celui qui prend le relais lorsque la lutte ou la fuite ne sont plus possibles, avec des conséquences négatives au niveau physiologique.
Pour prendre un exemple simple, le SIA est le système qui produit l’immobilisme du campagnol survolé, à terrain découvert, par une buse. Ce fonctionnement temporaire lui sauve la vie plus sûrement que la fuite. Par contre, dans le cas où un individu se sent comme le campagnol, lorsqu’il est en relation avec son patron, ses parents ou autres, la situation se gâte. Il perçoit une impossibilité de fuir ou de lutter : s’il le faisait, il en perdrait son emploi, sa place dans la famille, etc. De plus si la situation perdure des mois ou des années, les conséquences pourraient être catastrophiques en termes de santé (voir aussi le sous-chapitre sur le stress) en affaiblissant fortement les capacités du système immunitaire.
Le SIA peut également « s’enclencher » dans le cas où l’individu manque d’information à propos de ce qu’il vit dans le présent : par exemple une personne âgée assise devant un pc dont elle ne comprend pas le fonctionnement ou encore une personne effectuant un voyage dans un pays étranger sans maîtriser ni la langue et ni l’écriture en fonction différente de la sienne. En effet, pour agir efficacement, l’être humain a besoin d'un certain nombre d'informations sur le monde qui lui donnent des possibilités différentes de répondre. Si les apprentissages et expériences antérieures n’apportent pas l’information à l’individu, le SIA prend le dessus sur le SAA. Attention : à l’inverse, l’excès d’information (téléjournal, publicités agressives, etc.) a le même effet. Enfin, l’imaginaire peut produire des scénarios que l’individu redoute de vivre. Dans ce cas lorsque le cauchemar se matérialise sous les yeux de la personne, celle-ci se trouve totalement inhibée.

La psychologie évolutive

La psychologie évolutive, née vers la fin des années 80, examine les comportements humains en tenant compte de la sélection naturelle et de la sélection sexuelle.
Cette approche considère que nos ancêtres apparus il y a environ 2,5 millions d’années, vivaient avec des contraintes environnementales complètement différentes des nôtres en tant que chasseurs cueilleurs : lutter contre le climat, trouver assez de nourriture, s’allier à d’autres pour mieux chasser, trouver un partenaire pour se reproduire et tisser des liens assez fort avec lui pour élever une progéniture, etc.
Cela a eu pour conséquence que les caractéristiques anatomiques et les comportements les plus payants ont été sélectionnés. La psychologie évolutive considère que l’homme moderne est constitué de systèmes cérébraux spécialisés dans la résolution des problèmes de nos ancêtres.
Moralité : notre cerveau n’a pas été sélectionné pour vivre dans l’environnement urbain et technologique actuel. Dans la plupart des fonctions, cela n’a pas de conséquence. Par contre, pour d’autres comme l’activation chronique des différents systèmes d’alarme du cerveau, elles sont désastreuses pour l’organisme.
On peut résumer la psychologie évolutive en cinq principes qui remettent en question le modèle standard des sciences humaines :
1.      Les circuits du cerveau sont sujets à la sélection naturelle, par l’entremise des gènes qui codent les grandes voies nerveuses, et ont évolué pour générer des comportements adaptés aux circonstances environnementales.
2.      Nos circuits neuronaux n'ont pas été sélectionnés pour résoudre tous les types de problèmes, mais seulement ceux qui ont affecté la reproduction de nos ancêtres depuis des millions d’années
3.      La plus grande partie de ce qui se passe dans notre cerveau se fait inconsciemment de sorte que bien des choses qui nous paraissent faciles, reconnaître un visage, courir… nécessitent des opérations et des circuits neuronaux extrêmement complexes
4.      Des circuits neuronaux différents sont spécialisés pour résoudre des problèmes adaptatifs différents
5.      Le cerveau de l’homme moderne est en réalité adapté à l'âge de pierre.

Choisir de changer de comportement

Les systèmes que nous venons de découvrir sont essentiels à la survie de l’être humain. La recherche du bien-être a pour but de parvenir à la satisfaction de ses besoins intérieurs. La douleur ou des sentiments comme la peur ou l’angoisse déclenchent la fuite ou la lutte et permettent  de protéger le corps d’un danger. Ces systèmes sont le fruit de l’adaptation magnifique du corps humain à son environnement.
Alors que la sensation de plaisir stimule l’approche, la douleur stimule la fuite ou l’attaque. Et lorsqu’il n’y a pas le choix de s’enfuir ou de lutter, l’être humain se fige. Les expériences acquises au cours de la vie en général,  les comportements issus de l’éducation ou innés dus à l’espèce sont autant de « références sensorielles stockées » intérieurement et qui nous permettent, très subjectivement, de déterminer ce qui est « bon ou mauvais », en fonction de notre histoire de vie.
Comprendre ces trois systèmes est un outil qui permet à celui qui cherche de comprendre son fonctionnement intérieur. Cette connaissance lui permet de réfléchir au lieu de réagir comme un « automate-perroquet » et de changer de comportement en reprenant le contrôle de sa vie. Car tant que l’Homme ne comprend pas cela, il est l’esclave de la satisfaction de ses pulsions.



Exercices pratiques

Je vous suggère de pratiquer l’exercice suivant. Détendez-vous dans un endroit calme et faites un travail d’introspection afin de déterminer :
1.      Bilan de situation :
·        Quels sont les rituels avec lesquels vous interagissez :
o   Avec les membres de votre famille
o   Vos amis
o   Vos collègues de travail
·        Ces rituels sont en fait les différents costumes des rôles que vous tenez dans la vie sociale. Un petit truc : si votre vie était un film, quel serait votre rôle dans le script : le père, la mère, le fils en constante rébellion, l’employé soumis, la fille à papa, le bellâtre musclé, la naïade des îles, etc. Chercher à déterminer votre rôle au-delà des apparences souvent trompeuses.
·        De quelle symbolique votre rôle est-il investi ?
2.      Démissionner des rôles que l’on tient à contrecœur :
·        Quels sont les rôles que vous tenez qui vous posent problème voire qui vous dégoûtent ?
·        Qu’aimeriez-vous vraiment tenir comme rôle ? Quels sont vos désirs et vos idéaux profonds ?
3.      Réinvestir son énergie physique, affective et psychique :
·        Déterminez avec autant de précision que possible, le rôle qui sera dorénavant le vôtre « parce que vous l’avez décidé ainsi ».
·        Visualisez les changements de comportements que vous êtes en train de mettre en place dans des situations de vie.
·        Vivez concrètement les changements prévus chaque seconde de vie qui passe, en étant pleinement conscient de vos actes, vos émotions et vos pensées, qui tels trois faisceaux d’énergie partent de vous pour converger vers le nouveau rôle déterminé.
Sachez respecter l’autre et laissez-le vivre,  sans pour autant lui laisser le droit de décider pour vous. Ne perdez pas de l’esprit et du cœur, les buts que vous poursuivez. Si on vous propose une route, regardez le panneau indicateur, afin de déterminer si ce chemin vous rapproche ou au contraire vous éloigne de vos buts.

(1): Article extrait du livre




                                                                                     Jean-Christian Balmat




[i] Les centres composant le MFB sont : l’aire tegmentale ventrale (ATV), le noyau accumbens, comme le septum, l’amygdale, le cortex préfrontal ainsi que certaines régions du thalamus
[ii] L’hormone corticotrope, ou adrénocorticotrophine (ACTH), est une hormone polypeptidique, principalement sécrétée par les cellules basophiles du lobe antérieur de l’hypophyse et qui stimule la glande corticosurrénale.