Il y a cinq je fis la connaissance de Virginie, jeune femme qui vint me
consulter après un viol.
Aujourd’hui je reçois une lettre par laquelle elle me demande de publier
sa lettre afin de témoigner de son expérience.
Entre ces deux points dans le temps, une femme détruite intérieurement a
trouvé en elle la force de se reconstruire pour vivre pleinement. J’ai hésité
longtemps avant de rédiger cet article me heurtant à la totale confidentialité que
je donne à chaque patient depuis vingt-deux ans d’exercice.
Cependant connaissant très bien Virginie je me permets pour la première
fois de publier un témoignage aussi personnel dans l’espoir que les victimes de
pareils actes trouvent en elle le courage d’exprimer toute leur douleur pour
mieux se reconstruire.
Je souhaite de tout cœur que l’expérience pleine d’humanité de Virginie
serve la cause des femmes salies. Puissent-elles trouver en ce témoignage la
force de sortir de la honte en osant affronter ces hommes qui bien incapables
de les respecter, ont pris en force ce qu’il ne pouvait obtenir par la douceur.
Déroulement du processus thérapeutique
Ce long processus thérapeutique de cinq ans est celui qui a le plus sûrement
remis mes capacités en question. D’une part en voyant l’état de départ, des
plus alarmant, mais surtout par la suite cette perception extrêmement négative
que Virginie avait d’elle-même dans laquelle elle s’est murée des années
durant.
Que d’efforts et de stratégies thérapeutiques différentes j’ai dus déployer
pour parvenir à la convaincre qu’elle valait toujours autant qu’avant.
Cependant tout cela n’a pas été vain : la fin de ce processus s’apparente
à un vrai miracle que Virginie vous décrira bien mieux que moi dans son
témoignage.
Phase de dénie
Lorsque j’ai rencontré Virginie, elle décrivait son viol comme un acte dans
lequel elle se sentait coupable en atténuant fortement la culpabilité du
violeur. Elle vivait en couple avec un homme depuis quelques années.
Ce dernier me contacta discrètement pour me dire à quel point il tenait
à sa femme tout en sachant qu’elle ne pouvait parler avec lui de cet événement
traumatique. Il me décrivit l’écroulement total de sa femme en intimité. Il se sentait
désemparé et était content de voir sa femme me consulter.
Parlant son couple avec Virginie, je fus très étonné de voir à quel
point pour elle son rêve de bonheur était mort avec le viol. Elle se méfiait
même de la gentillesse de son époux, s’attendant à devoir « payer par le
suite » cette aide. Pour Virginie, tout cela était clair :
·
Les femmes violées sont des putes et des moins que
rien
·
Ayant été violée, elle était salie à tout jamais et
vivait cela comme une damnation.
Etonné de découvrir cela, je me renseignai sur son environnement familial.
En résumant, elle était la cadette d’une famille qui ne comptait que des
filles. Sa mère était laborieuse, sérieuse et ordré. Son père quant à lui était
le clown, le foireur, celui que tout le monde aimait…mais qui faisait souffrir
sa mère de son comportement sans limites.
Toute son enfance avait été baignée par l’opposition parentale forte.
Une mère omniprésente, contrôlant absolument tout à la maison, dans le cartier
et à l’école opposé à un père très permissif pour l’enfant qu’elle fût mais en
constant conflit avec la mère.
Virginie était donc parvenue à l’âge adulte avec des représentations
toxiques de l’homme et plus grave de la femme. Les grands classiques : les
femmes sont faibles et restent à la maison, ne pouvant que se valoriser au
travers de l’homme qui lui est dieu, puisque détenteur de la force physique et
du pouvoir de l’argent !!
Je décidai alors de faire un travail à deux niveaux :
·
D’une
part au niveau du viol en lui-même en poursuivant le but de lui faire admettre
l’aspect criminelle de l’action du violeur tout en la déculpabilisant personnellement
·
D’autre
part un travail de fond sur ses représentations intérieures issues de son
éducation
A cette période (soit deux après le viol), la famille de
Virginie constatant que son état empirait constamment depuis parla avec elle.
Virginie m’avoua par la suite qu’elle n’avait pas pu dire la vérité à sa
famille, s’accusant d’avoir commis un adultère. Elle était convaincue que sa
famille était bien trop insensible pour comprendre ce qu’elle avait vécu !
Elle se justifiait même en me disant qu’elle préférait être une « salope
plutôt qu’une moins que rien ».
Le procès intérieur
Commençant une longue période durant laquelle je dus constater qu’elle
avait prononcé intérieurement un jugement en sa défaveur : coupable d’avoir
été salie par un homme dont elle n’avait pas voulu, qui l’avait contrainte…
Après un long travail de fond, je réussi à la convaincre d’aller se renseigner
auprès de la police en matière de plainte. Elle le fit et sur un coup de tête
posa plainte….qu’elle perdit après dix-huit mois.
Evidement ce non-lieu me valut m’a volé de bois vert : comment
avait-elle pu croire que cette société de merde allait lui rendre justice à
elle qui était une femme ?!
Elle était frustrée, en rage qu’on l’ait privée de son rêve de bonheur.
Elle avait l’homme de ses rêves, il lui avait demandé un enfant qu’elle avait
mis au monde mais elle le vivait très mal affectivement. Prostrée dans son
état, elle était incapable de jouir de leur amour. Elle ne méritait ni un si
bon mari et encore moins cet enfant rayonnant. Comme me le confirma son mari à
l’époque lors d’une conversation téléphonique elle s’enfermait sur elle-même,
limitant ses échanges sociaux au strict nécessaire et se fermant à tous de peur
de leur jugement.
La renonciation
Les années passant, Virginie vivait son syndrome de choc
post-traumatique de façon résigné. Elle acceptait avec fatalité ne sortant de
son flegmatisme que pour protéger sa douleur intérieur. Ce qui nous valut des
séances mémorables où elle m’arrosait de non d’oiseaux à chaque fois que j’allais
chercher à exacerber sa douleur dans le but qu’elle la hurle, la crie pour
mieux la sortir.
Je me souviens à quel point lorsque je lui parlais de l’être magnifique
qu’est la femme, de son émancipation et de son droit à l’égalité, je réveillais
des colères sans nul pareil ! Elle était convaincue de l’impossibilité de
mes propos : comment la femme pouvait-elle être égale à l’homme ?
Elle se battait pour me prouver l’infériorité de son sexe.
Je semais pas-à-pas les graines de l’estime, de la valorisation et du
respect personnel….en ayant un peu l’impression d’être en plein désert mais j’avais
la foi…
Plus le temps passait plus Virginie se résignait à entrer dans le rôle
de la femme qu’elle avait tant détesté lorsqu’elle était spectatrice de sa
mère.
Je travaillais à cette époque énormément dans le sens d’une prise de
conscience par Virginie des rôles qu’elle avait choisi de tenir dans la société
et comment elle les avait définis. Elle était convaincue de l’impossibilité
pour elle de choisir son destin condamné à revêtir des rôles pré écrits.
L’explosion de vie
Les mois, les années passèrent. Fatigué d’être contesté dans chacune de
mes tentatives de valorisation de la femme en général et d’elle en particulier,
je me levai en la provocant lui affirmant que finalement je mettais trompé tout
comme son mari et que son violeur seul avait raison de l’avoir traité comme une
merdre. Je ne manquai pas de feindre la cessation sur le champ de la thérapie.
Elle se dressa face à moi m’affirmant qu’elle allait aller voir le
violeur pour régler ses comptes et sortie furieuse de mon cabinet. Quelques
jours après elle me téléphona me demandant qu’elle l’on se voit afin qu’elle me
dise de vive voix une bonne nouvelle sans plus de précision.
Quel plaisir ce fut de la voir rayonnante fière d’avoir été régler ses
comptes avec son violeur, en paroles, ce qui n’est déjà pas mal, mais surtout
en actes puisque Virginie c’est permis un bon p… dans la g…. comme à l’ « ancienne ».
A cet instant Virginie me prouva à quel point nos séances n’avaient en rien été
vaines mais qu’au contraire sa mauvaise perception d’elle avait, jusqu’à son « règlement
de comptes » empêché qu’elle tire tout le bénéfice de notre processus.
Conclusion
Je remercie du fond du cœur Virginie pour ces cinq ans... pas faciles
mais qui m’ont apporté une preuve éclatante de la capacité incroyable qu’à l’être
humain de se relever des pires traitements et épreuves de la vie.
Le viol fait partie de ses atrocités honteuses dont notre société se
cache trop souvent en laissant les victimes traumatisées, blessées à jamais. Je
suis fier d’avoir apporté ma petite contribution mais c’est bien Virginie et
elle seule qui a résolue son problème en tuant symboliquement son « monstre ».
Au bout du bout de son enfer intérieur, il a trouvé le courage d’abattre ce qui
l’avait mise à genoux
Je lui souhaite d’avoir le courage de vivre tout l’amour, toute la
réussite et tout le bonheur qu’elle mérite. Puisse-t-elle ne jamais oublier qui
décide de sa vie…
Jean-Christian
Balmat
Son témoignage
Je me nomme Virginie,
je suis en consultation chez M. Balmat depuis plus de 5 ans suite à un choc qui
a brisé ma vie jusqu’à ce que je réussisse à me relever.
Situation : J’ai
consulté M. Balmat 2 ans après avoir subi un abus sexuel. Plus rien n’allais
dans ma vie. Cela faisait 2 ans que je mentais à mon conjoint sur l’acte que
j’avais vécu par peur de le perdre, alors qu’il se doutait que quelque chose
s’était passé. Je m’écroulais de jour en jour, n’ayant plus goût à rien,
n’arrivant plus à suivre, ni à la maison, ni au travail. Mon conjoint devait de
plus en plus combler mes manques, en plus de son travail, il devait me regarder
m’écrouler de plus en plus, ayant de moins en moins d’intimité. Malgré ceci, il
me demanda en mariage et nous avons eu un enfant. Cela a bien amélioré la
situation pour une période, mais au fur et à mesure, les problèmes de couple
ont pris de plus en plus d’ampleur et la situation ne pouvait plus durer.
C’est lui qui finit par
me pousser à voir quelqu’un. Je commençai à voir M. Balmat en lui expliquant
que je n’allais pas bien, que je me sentais fatiguée mais je ne lui parlai pas
de ce que j’avais vécu parce que j’avais trop peur que mon mari soit au courant
et que je le perde. M. Balmat se rendit vite compte que les choses n’allaient
pas et me poussa à expliquer ce qu’il s’était passé. Je finis après de mois de
résistance et de mensonge par lui expliquer ce qu’il s’était passé. Mais j’étais
incapable de tout raconter, soit il manquait des choses, soit je
m’embrouillais, j’étais incapable d’en parler correctement malgré le fait que
je savais très bien ce qui s’était passé. Au départ les séances me faisaient du
bien, je pouvais parler à quelqu’un qui me comprenait, et je revenais à la
maison en étant mieux. Mais lorsque pour les séances suivantes, il me demandait
comment les choses évoluaient et que je lui racontais, j’étais obligée de
constater que je retombais encore et encore face au « monstre », face au plus
fort. Depuis cet abus, je me suis sentie faible, nulle, incapable, plus bonne à
rien et surtout, j’avais tellement l’impression d’être devenue ce que cet homme
avait voulu faire de moi que face aux autres et surtout face à mon mari je
baissais les yeux. Pire encore, face à moi je savais que j’avais perdu.
Mais M. Balmat me
disait toujours qu’il était impératif de vaincre, « d’abattre » ce monstre.
Entre les visions que j’avais d’aller le tuer, ce qui aurait amené tellement de
conséquences impossibles à assumer, en plus je ne voulais pas devenir mauvaise
et la peur de me refaire humilier, dominer, détruire, je restais immobile, dans
mon état de soumise.
Plus les séances
avançaient, plus j’avais honte. J’étais fière, mais sans aucune confiance, de
lui dire que j’avais fait un changement, mais il me disait qu’il ne servait à
rien. Dans le fond il avait raison car rien de tangible n’avait changé, mon
couple n’allait pas mieux et je baissais toujours les yeux dans la rue.
Je me renfermais de
plus en plus. Les gens qui compatissaient avec moi, je les détestais de plus en
plus parce que la seule image qu’ils me renvoyaient était celle d’une
handicapée, que je ne voulais pas être. Mais les personnes telles que mon mari,
mes amis proches ou M. Balmat, qui essayaient de m’aider mais qui me disaient
d’affronter ce type, je les prenais de plus en plus pour des ennemis. J’avais
une telle peur de le revoir que je me battais avec violence contre tous ceux
qui voulaient que je le fasse.
Mais un jour, alors que
j’étais à 2 doigts de tout perdre, (mon couple, ma famille,…) je me rendis à
une séance avec M. Balmat. Il me dit vouloir mettre un terme à la thérapie car
le blocage que je fais devient trop négatif pour continuer à avancer.
Au fond du trou je décidai
de partir revoir celui qui il y a 5 ans, m’avait détruit. Je partis dans la
volonté de régler une fois pour toute, mes comptes avec lui. Afin de lui rendre
ce qui lui appartient.
J’arrivais à son lieu
de travail et demandais à le voir. Il devait arriver dans une dizaine de
minutes. Je l’ai attendu en bas des escaliers. Lorsque soudain je le vis de
l’autre côté de la route, la peur que je redoutais m’a complétement envahi.
Mais là, c’était « tu bouges ou tu crève ». Il passe le pas de la porte et un coup
de poing parti direct dans son visage. Je le pris à la gorge avec mes deux
mains en lui disant que j’étais là pour régler mes comptes. Que je n’étais pas
ce qu’il avait fait de moi, que j’étais à mon mari et qu’il ne pouvait pas
faire de moi « sa pute ». Je lui ai également dis avec force qu’il n’avait pas
intérêt à me toucher. Je lui ai également craché en plein visage, et lui ai dit
qu’il n’avait pas intérêt de m’approcher moi ou ma famille. Il m’a dit qu’il ne
voulait pas me faire de mal, mais lui ai répondu que la seule chose que je
l’autorisais à dire s’était « je m’excuse ». Je le lâchai et parti.
Lorsque je suis
repartie, je me suis sentie légère et pour la première fois je n’avais plus
peur de lever les yeux dans la rue. J’avais l’impression que plus rien ne
pouvait m’impressionner. J’avais enfin abattu ma peur et je pouvais enfin me
relever.
Alors que j’étais en
train d’abandonner, que j’étais descendu au plus bas, j’ai cependant trouvé la
force de faire le pas.
J’ai tenu à témoigner
de mon expérience parce que je suis passée par des phases vraiment pénible et
que je ne souhaite à personne. Si je pouvais par mon texte aider se serait
vraiment une bonne chose de plus. Je conseille à toute personne ayant subi ce
genre de chose de trouver en elle la force d’abattre leur monstre afin de se
relever pleinement. Il est bien sur nécessaire de demander de l’aide à un thérapeute, mais il ne suffira pas de vous
mettre en ordre intérieurement. Il faut bien entendu le faire, mais quelque
chose doit aussi se passer à l’extérieur pour qu’il ne vous écrase plus.
Tout n’est cependant
pas fini pour moi, je devrais maintenant tenir le cap chaque jour sans
retomber, mais au contraire en m’améliorant.
Je remercie M. Balmat
pour son aide, grâce à lui j’ai pu trouver en moi la force de le faire et je
lui en serai éternellement reconnaissante.