L’être humain est programmé à reproduire des comportements
qui, dans son histoire ou dans celle de son espèce, ont procuré du plaisir en
entretenant sa vie (homéostasie) et en la faisant évoluer.
Ce qui satisfait pleinement une pulsion intérieure génère du
plaisir. La satisfaction correspond à la cessation du manque intérieur ayant
généré la pulsion. Le plaisir est la preuve sensorielle que le manque a cessé
et que le corps va bien. La douleur est évidemment l’inverse et concerne la
préservation de l’intégrité du corps : en retirant par réflexe sa main
d’une plaque chaude par action instinctive, nous sauvons notre main, sans y
réfléchir consciemment. Ces deux notions ont présidé à la spécialisation de
trois systèmes nerveux liés aux comportements : l’un est à la récompense
(MFB), l’autre à la punition (PVS) et le dernier à l’inhibition (SIA).
Le cycle pulsion – action – satisfaction, géré par le MFB et
la fuite ou la lutte efficace permettent à l’organisme de préserver son
homéostasie dans l’action et composent à eux deux le système activateur de
l’action (SAA)
Le plaisir est le moyen développé au cours de l’évolution de
notre espèce, pour nous inciter à manger, à trouver un partenaire sexuel, à se
protéger du froid, etc.
La récompense et la punition
Le S.A.A. s’oppose
au système inhibiteur de l’action (SIA). Ce système s’enclenche en cas
d’inefficacité de notre action, qui correspond à un profond sentiment
d’impuissance soit« je ne peux pas interagir avec mon environnement, car
ceci est « faux » pour Moi mais je ne parviens pas à agir donc je ne
bouge plus, je me prostre, me replie ».
Le S.I.A. a été
utile dans l’évolution et de manière très ponctuelle, dans les situations où
toute action est susceptible d’empirer la situation. Lorsque l’humain perçoit que la lutte ou la fuite sont impossibles, il
se contente de la soumission et l’acceptation, passive, et à contrecœur, afin
de maintenir autant que faire se peut le statu quo.
Dans notre société
moderne où la compétitivité est érigée au rang de dogme, de nombreuses
personnes vivent dans l’appréhension de la « punition » : peur
du chômage, peur de ne pas avoir la promotion, peur de ne pas pouvoir payer les
factures à la fin du mois, peur de dire au chef de vente nos petits résultats,
etc. Dans ce genre de cas, la personne n’a plus l’impression d’avoir de choix
et sombre dans l’inhibition chronique. De nombreuses conséquences pathologiques
sont à déplorer lors d’un surfonctionnement du SIA, par exemple :
dépression, maladies psychosomatiques, ulcères d’estomac, hypertension
artérielle. À noter également qu’étant donné que le SIA épuise le potentiel de
lutte du système immunitaire, des pathologies plus graves peuvent se développer
ultérieurement.
Deux systèmes se sont donc développés dans le cerveau pour
traiter la récompense et la punition
.
- Le « medial forebrain bundle » (MFB) en anglais qui est
le circuit de récompense
- Le «
periventricular system (PVS) », qui est le circuit de punition, qui active la
fuite ou la lutte
Ces
deux systèmes ont pour but de préserver l’homéostasie par l’action et forment
ensemble le système activateur de l’action (SAA).
Centres de la récompense et du plaisir
Les principaux centres cérébraux de la récompense sont
localisés le long du MFB (medial forebrain bundle, en anglais, le faisceau
médian du cortex préfrontal en français). Le MFB est composé de plusieurs
centres
[i] qui participent tous à la
réponse comportementale. Ces centres sont interconnectés et innervent
l’hypothalamus, l’informant de la situation, plaisante en l’occurrence.
L’hypothalamus réagit alors sur les fonctions végétatives (parasympathique dans
ce cas) et endocriniennes par l’intermédiaire de l’hypophyse, libérant des
hormones liées au plaisir.
Centres de la punition
L’action est aussi primordiale lorsqu’un danger nous menace.
Nous avons alors deux solutions : la fuite ou la lutte.
Les stimulations déplaisantes et/ou douloureuses qui
provoquent la fuite ou la lutte activent les centres de la punition ou PVS. Le
PVS est formé de plusieurs centres dont l’hypothalamus, le thalamus et la
substance grise centrale ainsi que l’amygdale et l’hippocampe. L’activation du
PVS provoque l’activation du système nerveux sympathique et la libération dans
l’organisme d’ACTH
[ii]
et d’adrénaline qui préparent rapidement le corps aux efforts exigés par la
fuite ou la lutte
Le système de punition inhibe le système de récompense, ce
qui explique que certains régimes politiques ont réussi au cours de l’Histoire
à manipuler le peuple par la peur, surtout la peur de la punition. Ceci est
également valable dans toute structure sociale : couple, famille,
entreprise, etc.
Le MFB et le PVS forment les deux principaux systèmes de
motivation de l’être humain. Ils ont pour but assouvir les trois pulsions
instinctives, respirer, se nourrir, se reproduire, et d’éviter la douleur.
Centres d’inhibition
Le Pr Henri Laborit a mis en évidence un troisième
circuit : le système d’inhibition de l’action (Behavioral Inhibitory
System (BIS)). Il est associé au système septo-hippocampal, à l’amygdale et aux
noyaux de la base. Ce système est, comme nous l’avons vu, celui qui prend le relais
lorsque la lutte ou la fuite ne sont plus possibles, avec des conséquences
négatives au niveau physiologique.
Pour prendre un exemple simple, le SIA est le système qui
produit l’immobilisme du campagnol survolé, à terrain découvert, par une buse.
Ce fonctionnement temporaire lui sauve la vie plus sûrement que la fuite. Par
contre, dans le cas où un individu se sent comme le campagnol, lorsqu’il est en
relation avec son patron, ses parents ou autres, la situation se gâte. Il
perçoit une impossibilité de fuir ou de lutter : s’il le faisait, il en
perdrait son emploi, sa place dans la famille, etc. De plus si la situation
perdure des mois ou des années, les conséquences pourraient être
catastrophiques en termes de santé (voir aussi le sous-chapitre sur le stress)
en affaiblissant fortement les capacités du système immunitaire.
Le SIA peut également « s’enclencher » dans le cas
où l’individu manque d’information à propos de ce qu’il vit dans le
présent : par exemple une personne âgée assise devant un pc dont elle ne
comprend pas le fonctionnement ou encore une personne effectuant un voyage dans
un pays étranger sans maîtriser ni la langue et ni l’écriture en fonction différente
de la sienne. En effet, pour agir efficacement, l’être humain a besoin d'un
certain nombre d'informations sur le monde qui lui donnent des possibilités
différentes de répondre. Si les apprentissages et expériences antérieures
n’apportent pas l’information à l’individu, le SIA prend le dessus sur le SAA.
Attention : à l’inverse, l’excès d’information (téléjournal, publicités
agressives, etc.) a le même effet. Enfin, l’imaginaire peut produire des
scénarios que l’individu redoute de vivre. Dans ce cas lorsque le cauchemar se
matérialise sous les yeux de la personne, celle-ci se trouve totalement
inhibée.
La psychologie évolutive
La psychologie évolutive, née vers la fin des années 80,
examine les comportements humains en tenant compte de la sélection naturelle et de la sélection sexuelle.
Cette approche
considère que nos ancêtres apparus il y a environ 2,5 millions d’années,
vivaient avec des contraintes environnementales complètement différentes des
nôtres en tant que chasseurs cueilleurs : lutter contre le climat, trouver
assez de nourriture, s’allier à d’autres pour mieux chasser, trouver un
partenaire pour se reproduire et tisser des liens assez fort avec lui pour
élever une progéniture, etc.
Cela a eu pour
conséquence que les caractéristiques anatomiques et les comportements les plus
payants ont été sélectionnés. La psychologie évolutive considère que l’homme
moderne est constitué de systèmes cérébraux spécialisés dans la résolution des
problèmes de nos ancêtres.
Moralité :
notre cerveau n’a pas été sélectionné pour vivre dans l’environnement urbain et
technologique actuel. Dans la plupart des fonctions, cela n’a pas de
conséquence. Par contre, pour d’autres comme l’activation chronique des
différents systèmes d’alarme du cerveau, elles sont désastreuses pour
l’organisme.
On peut résumer la
psychologie évolutive en cinq principes qui remettent en question le modèle
standard des sciences humaines :
1. Les
circuits du cerveau sont sujets à la sélection naturelle, par l’entremise des
gènes qui codent les grandes voies nerveuses, et ont évolué pour générer des
comportements adaptés aux circonstances environnementales.
2. Nos
circuits neuronaux n'ont pas été sélectionnés pour résoudre tous les types de
problèmes, mais seulement ceux qui ont affecté la reproduction de nos ancêtres
depuis des millions d’années
3. La
plus grande partie de ce qui se passe dans notre cerveau se fait inconsciemment
de sorte que bien des choses qui nous paraissent faciles, reconnaître un
visage, courir… nécessitent des opérations et des circuits neuronaux
extrêmement complexes
4. Des
circuits neuronaux différents sont spécialisés pour résoudre des problèmes
adaptatifs différents
5.
Le cerveau de l’homme moderne est en réalité adapté à
l'âge de pierre.
Choisir de changer de comportement
Les systèmes que nous venons de découvrir sont essentiels à
la survie de l’être humain. La recherche du bien-être a pour but de parvenir à
la satisfaction de ses besoins intérieurs. La douleur ou des sentiments comme
la peur ou l’angoisse déclenchent la fuite ou la lutte et permettent de protéger le corps d’un danger. Ces
systèmes sont le fruit de l’adaptation magnifique du corps humain à son
environnement.
Alors que la sensation de plaisir stimule l’approche, la
douleur stimule la fuite ou l’attaque. Et lorsqu’il n’y a pas le choix de
s’enfuir ou de lutter, l’être humain se fige. Les expériences acquises au cours
de la vie en général, les comportements
issus de l’éducation ou innés dus à l’espèce sont autant de « références
sensorielles stockées » intérieurement et qui nous permettent, très
subjectivement, de déterminer ce qui est « bon ou mauvais », en fonction
de notre histoire de vie.
Comprendre
ces trois systèmes est un outil qui permet à celui qui cherche de comprendre
son fonctionnement intérieur. Cette connaissance lui permet de réfléchir au
lieu de réagir comme un « automate-perroquet » et de changer de
comportement en reprenant le contrôle de sa vie. Car tant que l’Homme ne
comprend pas cela, il est l’esclave de la satisfaction de ses pulsions.
Je vous suggère de
pratiquer l’exercice suivant. Détendez-vous dans un endroit calme et faites un
travail d’introspection afin de déterminer :
1. Bilan de situation :
·
Quels
sont les rituels avec lesquels vous interagissez :
o Avec les membres de votre famille
o Vos amis
o Vos collègues de travail
·
Ces
rituels sont en fait les différents costumes des rôles que vous tenez dans la
vie sociale. Un petit truc : si votre vie était un film, quel serait votre
rôle dans le script : le père, la mère, le fils en constante rébellion,
l’employé soumis, la fille à papa, le bellâtre musclé, la naïade des îles, etc.
Chercher à déterminer votre rôle au-delà des apparences souvent trompeuses.
·
De
quelle symbolique votre rôle est-il investi ?
2. Démissionner des rôles que l’on tient à
contrecœur :
·
Quels
sont les rôles que vous tenez qui vous posent problème voire qui vous
dégoûtent ?
·
Qu’aimeriez-vous
vraiment tenir comme rôle ? Quels sont vos désirs et vos idéaux
profonds ?
3. Réinvestir son énergie physique, affective
et psychique :
·
Déterminez
avec autant de précision que possible, le rôle qui sera dorénavant le vôtre
« parce que vous l’avez décidé
ainsi ».
·
Visualisez
les changements de comportements que vous êtes en train de mettre en place dans
des situations de vie.
·
Vivez
concrètement les changements prévus chaque seconde de vie qui passe, en étant
pleinement conscient de vos actes, vos émotions et vos pensées, qui tels trois
faisceaux d’énergie partent de vous pour converger vers le nouveau rôle
déterminé.
Sachez
respecter l’autre et laissez-le vivre,
sans pour autant lui laisser le droit de décider pour vous. Ne perdez
pas de l’esprit et du cœur, les buts que vous poursuivez. Si on vous propose
une route, regardez le panneau indicateur, afin de déterminer si ce chemin vous
rapproche ou au contraire vous éloigne de vos buts.
(1): Article extrait du livre
[i] Les
centres composant le MFB sont : l’aire tegmentale ventrale (ATV), le noyau
accumbens, comme le septum, l’amygdale, le cortex préfrontal ainsi que
certaines régions du thalamus
[ii]
L’hormone corticotrope, ou adrénocorticotrophine (ACTH), est une hormone
polypeptidique, principalement sécrétée par les cellules basophiles du lobe
antérieur de l’hypophyse et qui stimule la glande corticosurrénale.